«Par ma bouche, je te ferai œuvre
Par mon baiser, je prêterai à mon insatiable et morbide état l’apparence de mon désir.
Posséder, vider de son élan vital et combler mon abyssale noirceur.
Créer l’éternel par mes lèvres assassines.»
Sacré sacrifice que celui de nourrir la postérité de l’artiste, d’offrir son corps au loup solitaire.
La première note, ce basson...cette complainte chasseresse. La traque sulfureuse et complice de la muse.
«Où es tu? Je suis là. Où es tu? Je suis là derrière le bois»
Sous les flashes, le cliché hollywoodien - gloire ; ou bien preuve flagrante d’un assassinat."
baiser fraternel entre Leonid Brejnev et Erich Honecker sur le Mur de Berlin |
Un baiser. Un long, très long baiser. 45 minutes à s'embrasser. Sans interruption aucune. Une performance, deux hommes dans le Musée d'Art Moderne de la ville de Paris au milieu des collections, celle d'Olivier Bubois et de son jeune associé. Fugue, exaltation, empressement, désir, lutte, autant de sentiment s'en émanant. La volonté d'aspirer l'autre ou de lui transmettre le plus intime de son soi, de fusionner. Le forcer, s'y cramponner. Vouloir se détacher, résister. S'assimilant tantôt à une lutte à même la bouche, tantôt à une étreinte passionnée, comme si l'ensemble des baisers donné au cours d'une vie était rassemblé en une fois, en un instant, avec une seule et même personne, l'incarnation nos multiples conquêtes.
Olivier Dubois réalise non seulement une performance physique, mais également artistique, avec des gestes stylisés, des postures à la Rodin et des mouvements d'une légèreté gracile. Allant à l'encontre des stéréotypes, il choisit deux hommes, pour mieux chambouler cette gêne que l'on a trop souvent de voir deux êtres de même sexe s'embrasser, bien que réprimée par notre raison, car trop inculpée en nous par les vices d'une société engoncée dans ses préjugés et/ou d'une éducation rétrograde.
On se demande alors quelle force d'acteur, quels sentiments doivent traverser les deux danseurs qui de toute leur personne impliquée font vivre ce baiser! A quelle intensité émotionnelle doivent ils faire appel pour communiquer l'aura du baiser au spectateur! Car il est bien connu que le danseur, pour lui transmettre émotion et ressentit , c'est à dire lui faire vivre la scène par interposition, doit, non pas seulement reproduire un geste, mais le magnifier par le souvenir d'un évènement à fort potentiel émotionnel prélevé de sa propre vie. Et après, qu'en est il de la relation "professionnelle" des 2 performeurs? Peut on encore se parler comme entre collègues? Que devient ce qui vient d'être échangé? N'ont ils vécu l'un avec l'autre le partage d'émotions très fortes, profondément intimes et personnelles? Un échange d'émotions mais aussi de force physique, d'attention et évidemment de fluides corporels. Les pauvres, c'est qu'ils en sont ressortis trempés! Pure fiction mentale ou baiser fraternel, en tout cas l'assurance d'avoir réalisé un exploit. Tant de superbe sous les yeux scrutateurs de quatre muses dénudées un soir d'été dans le MoM laisse le spectateur sans voix, bleffé. Chapeau Olivier Dubois!