mardi 12 juillet 2011

Lebanon

Dans 4 métres carré, un concentré d'horreur de guerre. 5 hommes sont là enfermés, dont un prisonnier. Le film, leur vie, c'est dans un tank. Un tank de survie, de souvenir, d'espoir et de doute. De l'extérieur, juste le son inaudible d'une mélodie, le visage d'une femme ravagée par la peur et dévorée de tristesse pour une fille à jamais perdue, et la venue alternative d'un commandant intransigeant et d'un pourfendeur de prisonnier. Un seul oeil est actif, le viseur, les autres sont sclérosés par l'abomination qui se joue au dehors, comme putréfiés.

Tout est noir, saumâtre et suintant, dégoulinant de liquide gras et huileux: les fluides corporels se mèlent à ceux de la machine dans une commune volonté d'expectoration. De partout de par le corps et les rouillages, ils envahissent l'intérieur calfeutré comme défense nécessaire ou besoin de se rebeller contre ce moi qui affirme contre son grès ce que le corps ne peut supporter. La putréfaction, elle se lie plus que la peur, l'affliction ou la fatigue sur le visage de nos 5 condamnés. Chaque étape, chaque mission laisse une trace: indélébile. Avec dégoût la violence qui se joue au dehors se dessine sur les visages par couches successives. Ils deviennent dessins de leur destin, comme témoin d'une souffrance qui ne peut être oubliée.

Comment ne pas penser alors à William Kentridge, artiste sud-africain, et ses dessins au charbon ou au fussain qu'il faisait successivement, toujours sur une même feuille, pour que la trace du précédent persiste dans l'après? Se croyant à l'abri du désastre du dehors, les traits de la violence transparaissent dans le dedans, sur leur corps, lui qui se sait être dupé par cette carapace de fer.

Quand la terreur est organique. Un sursaut, c'est l'esprit d'Hunger qui revient. Indélébile, encrée sur la surface dermique, même lorsque le commandant entreprend de se raser, elle reste, incrustée. Mais comment nier l'indéniable beauté qui en résulte? Une ébouissante beauté, beauté transcendée et transfigurée par l'horreur. Chacun porte le fardeau de son tableau.

Un champs de tournesol, corolle penchée vers le sol, affaiblie par la cruauté du soleil qui ne veut plus briller, comme la persévérence d'une nécessité.


Un film plastiquement et métaphoriquement intéressant. La réalité des choses exterieures, elle, a terriblement du mal à nous toucher. Hélas.

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