vendredi 29 juillet 2011

von dem her @Freiburg

Je suis arrivée, c'était vendredi, le temps était mouillé, les vitres du train aussi. Le ciel encore gris arc-boutait un somptueux arc-en-ciel, cloche céleste recouvrant l'entièreté de la ville endormie. Le silence, lorsqu'il s'arrêtait pour ne pas s'entendre lui-même, dans le ciel était absolu. On m'attendait.



Boss Barnie
Il paraissaît que toutes les directions fûrent possibles, s'il fallait en choisir une, ce sera celle-ci. Ce soupçon d'absurdité lassait présager ce qui m'attendait à l'arrivée. Un chat dénommé Barnie, dont l'immanquable destinée se poursuivait à la cave, tant et si bien qu'à peine la porte entrouverte notre félidé se ruait tout droit vers l'appel de celle-ci. Et c'était la première fois que je voyais un chat TOCqué.


Il y eu alors cette discussion tragi-comique sur l'entendement humain, la conscience de soi et de son environnement, des degrés d'autisme plus ou moins sévères. Alors pourquoi ne pas supposer une forme d'intelligence orientée pour ne pas dire braquée, figée en une direction privilégiée de telle sorte qu'une infime partie de l'environnement sociale lui serait accessible, et l'immensité du reste, un monde étranger et impénétrable, conceptuellement intangible à l'être handicapé. Mais par contre, l'avancement dans cette direction serait tel que, dans ce sens, certaines choses s'ouvriraient  de manière beaucoup plus approfondies, et constituerait son monde, à lui.


On s'est dit que pour les chats, ça pourrait bien être pareil, que sa pensée pourrait être une sorte d'autisme très avancé. (chose qui arrive souvent, de projeter un phénomène, comportement ou qualité, sur le premier venu qui se trouve être devant vous, de lui attribuer tout, tel un exemple mentale, si bien qu'à la fin, il vous paraisse comme la stricte incarnation de ce qui vous a été exposé. Le pauvre, vous lui avait placardé une bizarrerie qui ne lui appartient pas. Trop tard, il sera votre stigmatisable). Et notre Barnie qui n'avait rien demander. 


Il faut maintenant parler du marché, coloré, des ces mirabelles et Renekloden, minigurken non acidifiés au goût beaucoup plus prononcé, de ses gâteaux en bocaux, des fruits pressés (très), et bien sûr de ces Wunderkugeln. Arrêtons nous un temps sur ces dernières. Boules de fruits séchés compressés, parfois salées, souvent sucrées, aux mille épices ou nappifiées de noix quand ce n'est pas de chocolat. Le vendeur a trouvé un accent bavarois dans le son de ma voix. Où est l'erreur? Leur magie aurait elle déjà opérée? (j'en avais avalé une avant de parler).



Arbre déraciné s'enracinant par côté
grande première: un arbre horizontal
Le chemin se poursuivit au cimétière, dans le Alten Friedhof. Stèles parsemées aux écritures doucement effacées, anonymes les gisants ne seront plus jamais appelés, abandonnés à leur sort leur putréfaction devient commune, de leur semaille le sol sera nourri et les racines des arbres s'en trouveront grandies. Arbres enracinés, parfois dans des positions inédites, regorgent de vie. Cette incroyable faculté de reprendre vie au contact de la terre nourricière, nourrie de ses cadavres à la chair agonisante, par le tron, de côté, des racines sortent et les bourgeons fleurrissent déjà.



Le souci de la vie viendra ainsi de la mort - la vie n'est elle pas "principalement une oxydation de l'albumine des cellules?" Oui, car "vivre c'est mourir, il n'y a rien à enjoliver là dedans. Une destruction organique, comme je ne sais quel français, en sa légèreté innée, a autrefois appelé la vie". (La Montagne Magique, Thomas Mann)






Bouture à la fois fascinante et grotesque
D'où le concept, bien allemand, du FriedWald: le geste vital post mortem de participer à la croissance d'un arbre, de se savoir utile en son trépas (sans rire, un corps putréfié dans un cercueil sellé, quelle triste finalité! Quelle abomination  que de se savoir inutile au futur, même mort!).
J'ai alors décidé que moi aussi, je saupoudrerai un arbre de mes cendres, "cette partie impérissable du défunt",  pour être certaine d'avoir accompli au moins une chose véritablement fructueuse au cours de mon existence. Letzte Ruhe an den Wurzeln eines Baumes. 



Pour finir, il aurait fallu se rassasier. Le choix aurait pu être le 'Dinner In The Dark' de Freiburg. Entièrement conçu par des aveugles, le dîner y est fait également à l'aveugle, dégusté dans l'obscurité noir d'une mise en scène crimi dark. Qui osera utiliser son couteau pour couper sa tranche de gigot? Dommage, on avait pas réservé.



Enfin, puisqu'il faut bien conclure, j'ai repris le train, le long de la vallée du Rhin. Un train magique qui réduisait le vieillissement du temps: une transition dans l'espace, un no man land, une fuite hors de l'espace temps.

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