lundi 1 août 2011

Aus Liebe zum Apfel @Frankfurt am Main

Il ne faut jamais laisser d'a priori s'installer dans votre esprit. Non jamais. Je n'aurais jamais autant sali le nom d'une ville, je n'aurais jamais autant terni son image, je n'aurais jamais autant banni son habillage habitable. Et j'ai eu tort. Tellement tort. Milles et une raisons m'ont fait changé d'avis, un ensemble de petites curiosités ont ébranlé bien des faits établis. Je suis venue et j'en suis repartie, ébaubie.


La gare, puisque lieu commun de tout voyage, de toute transition d'une ville à l'autre. J'en sors étourdie par le brouhaha incessant des voyageurs et le cri exténué des railles se plaignant de l'arrivée trop brutal des trains. Des colosses de verre s'imposent dans le décor, cachés timidement derrière de petites façades proprettes, à l'ancienneté restaurée, comme pour essayer tant bien que mal de se faire discret. Le décalage est trop vif, une immense tristesse s'en émane, pris de pitié pour ces géants de verre,  l'image devient insupportable et la vision insoutenable. Vite, nous nous enfuyons alors vers ce quartier patelin provinciale, au abord de la ville, au milieu de champs, de jardinets et au chevet de la forêt pour effacer le flux ardent de sentiment qui nous a accueilli à la sortie. Pas des moins ordinaire d'ailleurs que cette étendue de verdure, il s'agit du quartier Oberräder, berceau de la fameuse Grüne Sauce.



Mainhattan


Une vision enchanteresque se présente alors devant moi: le skyline éclairée de Mainhattan dans le noir effrayé. D'une remarquable beauté au sein de ce clair obscure, parachuté sur la ligne d'horizon des champs de Kräuter, saupoudrant de leur éclat les herbes avec fierté. Ici plus de timidité, ils sont là, assumant toute leur modernité.





Longeant le Main le lendemain, Mainhattan se fait plus près de nous à chaque pas effectué. Docilement, nous apprivoisons cette image, la détresse timorée de ces buildings petit à petit semble s'effacer (ce qu'hier nous n'avions supporté tant l'affliction se lisant sur leur visage). Sur les berges, les animaux sont dotés de nombreuses bizarreries: les canards, à l'image des buildings, sont géants (un double canard fera l'affaire dans votre imagination), sont brouteurs (tête vers le bas, ils cueillent la pointe de l'herbe fraîche à coup cadencé de becs). Les chiens sont assis bien droit, se la joue en mode humain (assis dans la voiture à la place du copilote, on distinguerait presque une carte sur leurs genoux). Les oies, trop blanches, aboient (il faut entendre un son proche de celui d'un chien tirant vers un bellement de mouton). Et les poules d'eau, qui ne vont jamais dans l'eau,  sont couchées en chien de fusil le long du rivage, elles contemplent les nuances vaseuses, esquisses abstraites de la figure anthropique à la surface de l'eau.


L'arrivée dans le centre a  lieu en fanfare: des chars défilent pour la diversité des causes, l'acceptabilité des opinions, la reconnaissance de droits négligés. "Einigkeit und Recht auf der Gleichstellung. Artikel 3" prône les chars à l’unisson. Un mélange de Love Parade et de Gaypride, les genres partent dans tous les sens, quand ce n'est pas dans du non-sens: un gros fourre-tout sur fond de house, le paradis des sexes indéterminés. On distribue des autocollants, on vous en colle de temps en temps, mais sur l'épaule droite uniquement. Un univers freaks, coloré, asexué.


Spécificités qui font les merveilles d'une ville, petits trésors cachés dans le coeur endolorie foisonnant d'activités entremêlées. On citera les glaces das Eis (das heisst?) doux parfums bioéquitables non sucrées, son marché couvert bariolé, exotique aux couleurs de la méditérannée, hétéroclites dans ses formes, affinés dans ces goûts, un ravissement esthétiques des sens, de la saveur à perte de vue. Imori pâtisserie franco-japonais et son intérieur maison de poupée, son harpe géante et son piano s'autojouant, ses gateaux riquiquis et ses boîtes de thé Kusmi alignées sur l'étagère de l'entrée. Quand on entre ici, on a la curieuse sensation de rétrécir, de rentrer dans le monde des chapardeurs et que ce soit toujours l'heure du thé.



MyZeil

La caractéristique principale de cette ville tient à son architecture diversifiée, car de la reine de ville allemande il s'agit. MyZeil aux courbes arrondies et meutries, centre commercial percé, traversé par un bout de ciel culotte de gendarme ou oeil attristé de cyclope. Il aspire la lumière du soleil, à trop le regard il peut vous aveugler.

Du vieux retravaillé dans du nouveau construit, des fouilles gallo-romains au coeur des building de verres: nonchalamment des enfants jouent en dedans, plus le moindre respect pour ces vielles choses qui ont bien du mal à subsister. Mais à quoi bon regarder le passé? Cela servira juste à accentuer l'affliction de nos colosses timorés, à rien d'autre.



Tour Henniger



Alors que la tour Henninger, asymétrie aux allures de verre pour bébé, transition du biberon au gobelet, se fait entendre au loin quand on lève les yeux vers le ciel, le Museum der Modernen Kunst triangulaire joue de nous, nous tournons en bourrique dans les entrailles de son cheminement interne.









Karl (Charly) Heil
Le quartier Sachsenhausen est le plus incongru de tous, attention une mesquine dame, cachée au coin d'une rue (je ne vous dis pas laquelle, haha), vous crachera dessus au passage. Sur le dallage, on marchera sur des pommes en hommage à la spécialité que l'on fabrique ici: un cidre muté, de l'Apfelwein ou Appelwoi comme on dit localement, du cidre alcoolisé au goût amer-doux. Petites huttes de bois, un village gentillet qui fait doucement penser à celui d'Asterix.


Les passages obligés ou devenus obligés sont aussi de la partie: Se prendre en photo sur le podium ICH (rien que pour l'ego), l'inconditionnel coup de balançoire postprandial (la Grüne Sauce a failli resurgir), la visite au vergé des érables (les feuilles!), et l'incontournable promenade au Alte Friedhof (au lieu de réflexion sur le sens métaphysique de mon futur trépas).



Puis des côtés français grossièrement prononcés ont pointé leur nez: du bistrot Maaschanz ou restaurant Die Kuh die lacht (Gesundheit!).


On a cueillie des quetsches et bu du thé vert dans un théière au fond vert pomme. Mon destin m'a repris par la main. On a vu un mur d'escalade sur le ravalement d'une façade, du lierre obèse gobant une maison, et bien des choses qui malheureusement ne peuvent ici rendre tout leur effet. Feu le quartier!

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