mardi 7 juin 2011

la ballade de l'impossible: le film

Ce n'est pas que je n'ai pas aimé, ou qu'il ne méritait pas de l'être. Avec le recul, je me suis quand même dit qu'il aurait pu s'agir d'un film passionnant avec une intense sensibilité que le réalisateur aurait su faire partager sans se laisser aller au tragique sentimentaliste mièvreux, tellement fréquent quand la guimauve se fait sentir. Seulement voilà, ce n'est pas le cas car j'ai fait la terrible faute de lire le livre avant, faute qu'il n'aurait malheureusement jamais dû être faite.

Rectifions, je suis admirablement contente de l'avoir faite. La faute revient au film et de l'avoir vu après. Et pourquoi? Une chose est sûre: il est souvent plus facile d'apprécier un livre qu'un film. La perception que l'on peut en avoir, ne vous y trompez pas, vous est presque entièrement imposé car il impacte sur 3 de nos 5 sens: la vue, l'ouïe et le toucher (cet aspect texturant qu'on les couleurs et les formes). Et que si par hasard l'ensemble ne correspond précisément pas avec votre état d'esprit du moment, il vous sera très difficile d'en estimer l'essence, d'en admirer l'esthétique, simplement de vous y retrouver. Alors qu'un livre, si peu de chose y sont apparentes, cependant que tant de choses y sont décrites, même entre les lignes, alors qu'aucun de nos sens n'est directement impliqué, qu'indéniablement quelque soit l'état de votre humeur il y aura toujours un mot auquel il vous sera possible de vous raccrocher. Car manier le mot est un art que l'auteur le véritable exerce avec une grâce telle que chacun pourrait extrait du livre le petit peu de forme que l'auteur s'est acharné à vouloir transmettre, se l'approprier et donc d'en palper même de façon infime la structure sensorielle.

C'est tout le problème de vouloir adapter un livre de Haruki Murakami au cinéma. Il y a dans sa façon d'écrire un si puissant fil qui lie les mots les uns aux autres, une façon d'imager sensations et atmosphères avec une exactitude aussi flagrante qu'une claque sur la face de l'esprit, d'extraire des détails insignifiants de ces protagonistes à leur en donner estime et profondeur des plus charismatiques. Il est tout bonnement impossible de retrouver cela à l'écran car la projection en détruira immédiatement l'effet escompté. Le regard final est bien trop loin de ce qui l'a engendré, de ce qui fût la base de la perception.

Il est par ailleurs important de signaler la place bien trop conséquente donnée aux ébats amoureux. Ils reviennent de façon récurrente comme des étapes clés de l'histoire lorsque dans le livre ils ne sont que si succinctement décrits! Et pourtant, le livre est paradoxalement beaucoup plus érotique! Cela vient des mots, de ces mots sur le regard, un façon de voir comme on reverrait d'être vu: c'est précisément ce qu'il manque au film.

Il faudra donc le voir sans avoir lu, voir sans avoir lu aucun Murakami. Car celui qui sait ne pourra jamais s'en défaire.
Et s'il faut recommander une chose: lire plutôt que visionner.

1 commentaire:

  1. Garder la densité scripturale. L'épaisseur de la folie, de l'amour, de l'humain: voilà ce que le cinéma ne peut pas faire. Il esthétise tout par des plan séquences. C'est faux. C'est artificiel, c'est construit.
    Alors que les mots rendent de façon si pure l'errance, la faiblesse, la petitesse. Cette sorte d'universalisme que seuls connaissent ceux qui ont souffert. Sans le grandir, sans le sublimer; juste le décrire.
    Murakami s'exprime mieux sans film.

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