mercredi 27 octobre 2010

Portrait rond

Il y a de ces films qui ne vous laissent pas partir, qui vous donnent un petit chose pour la route. Une fraction d'essence pour ne pas dire le souffle d'un détail. Peut-être à force d'identification? Non, ce n'est pas le moi ni le corps en entier que vous vous approprier. Non, c'est uniquement de petits gestes, souvent imperceptibles, tel que le mouvement des yeux, une façon de regarder, de fermer, d'ouvrir les paupières, une œillade ou l'indiscernable mimique. Toutes ces infimes agitations de l'esprit qui érigent la quintessence des charmes et attraits des corps imparfaits.

Instinctivement, vous les jouer pour vous. Une véritable "retro" réincarnation d'indices phénotypiques que je qualifierai de murakamiens (seul le personnage d'un roman de Haruki Murakami est capable de percevoir de telles subtilités dans la gestuelle féminine). Mais surtout, vous êtes certain que les autres vous regardent comme on l'a regardé, vous, dans ce rôle subtilisé. Et vous l'êtes doublement: par les personnages du film réintroduits par vous même dans la réalité et par les spectateurs, dans la rue, en chacune des personnes que vous rencontrez.

Oui, Lea Saydoux est actrice à produire ce genre de chose. Dans Petit tailleur, elle joue cette actrice un peu folle et neurasthénique qui s'immobilise et se décontracte l'espace d'une mesure ou deux de temps strié de blanc. D'une froide et lointaine beauté, innocente et tragique, avec ces sourires gênés, ses cheveux décoiffés, ses soulier et sa façon de fumée. Elle y donne plus qu'un personnage, elle donne un visage, son visage.

Une vérité est vérifiée: "Nous sommes une matière qui épouse toujours la forme du premier monde venu" (l'homme sans qualité, Robert Musil). Le monde qu'une actrice a bien voulu nous donner. Dans ce genre de situation, on finit par se demander si le corps n'est pas autre chose qu'une simple hypothèse, l'hypothèse même de l'existence du corps. Si les sensations fonctionnaient toutes seules, exactement comme l'histoire du garçon amputé de la jambe qui ressent le souvenir de démangeaisons aux orteils de cette même jambe coupée? La sensation d'un corps que l'on pourrait changer, à son gré.

PS: je me suis permise un "vous" mais n'y voyez que moi si cela ne convient pas

samedi 9 octobre 2010

Nÿa

Vert caca-d'oie. Une omniprésence. Un parterre, une table, un lit, du linge de maison. J'étais loin d'imaginer qu'une telle teinte pouvait avoir un si large panel de déclinaison. Surtout ne pensez pas qu'il suffirait d'un intérieur aménagé avec force de subtilité (par un jeu d'affiches de poneys évidement) pour nuancer ce vert-d'âtre. Non, cette vicieuse couleur absorbe tout, en véritable trou d'oie au gavage infini! D'accord, je conçois qu'un discret concurrent tente de la dépasser: le gris, du gris crème campus au gris bois flottant, du pâle et terne gris asphaltien, au gris coquillage ou chardon des pâturages. Charmante alternative, n'est-ce pas? Mais, au grand hélas, ce vert anatidéen diarrhéique demeure le cryptochromisme préféré de Villermé.

Résidence Villermé, entre 9m² de feuille de papier, avec ses voisins âgés (frôlant la sénilité (cessité?) pour certains) furtivement happés par les murs dès l'arrivée d'un étranger et décapsuleur invétérés de bouteilles de shampoings. Ses prises de terre chevrotantes qui vous restent dans les mains, sa baignoire sabot de cheval où prendre une douche devient un véritable exercice d'acrobatie, son placard chauffant (à défaut du reste) et, pour couronner le tout, sa lancinante odeur de riz mijoté. Des locaux, plus sinistres que glauques,
d'un suffocant ennui, d'une étroitesse d'esprit, au point que devenir misanthrope, acariâtre ou même bileux ne m'étonnerait point (vais je finir comme Des Essaintes? Au secours!).

J'arrête ici la déflagration, il s'agit de relativiser: n'est-ce pas le propre de sa condition d'étudiant que d'être trop plein de choses accumulées dans un endroit trop vide d'espace? Que de contrebalancer ce fadasse environnement avec brimborion et calembour d'esprit? Un tout en un, une vie dans une poignée de main. Oui, je dirais un quelque chose d'alchimiste. C'est comme le café, d'en aimer uniquement l'odeur.