mercredi 10 mars 2010

ЁЖИК

Friedrich m’a encore donné du fil à retordre. Non, pas celui des arbres, un autre. (un complot, je vous dis, ils se sont tous ligués ! Il manquerait plus que Nietzsche s’en mêle). Connaissez-vous « l’histoire de Friedrich le hérisson » ? C’est un petit trésor (je crois même que c’est un conte pour enfant, enfin…).


Déjà, plantons le décor : site dédié aux hérissons, aux tortues et à l’électronique (Quel amalgame, pire que le sacrifice de poneys roses selon les rîtes téotihuacaniens en présence d’Arielle Domsbale). Toujours est il que ce site vous fournira de saines mise en garde si vous envisagez l’une de ces trois activités : “pourquoi vermifuger préventivement les hérissons ?”, “Que faire quand on vient d’écraser une tortue?”ou encore “quelles sont 7 erreurs à éviter lorsqu’on construit un gyrophare”. Très utiles si vous décidez un jour d’adopter une tortue et de lui faire installer un gyrophare sur la carapace (malheureusement, il ne parle pas du cas des pierres précieuses, on ne tiendra donc pas rigueur à des Esseintes pour son crime, considérons-le comme un tortue-icide involontaire).


Mais revenons à notre petit hérisson. Le portrait du maître.

Friedrich est fin connaisseur de littérature du 19ième siècle. Outre les précieuses intertextualités (le Livre De La Jungle et Merlin l’Enchanteur), il nous parle de la très brillante George Sand. Je dis elle, car derrière ce pseudonyme masculin se cache bel et bien une femme, et pas des plus anodines, du tout. Pour aller de paire avec ce nom, elle avait pour coutume d’adopter des tenues vestimentaires masculines, c’est plus économique s’en défendait elle. Mais loin de croire qu’elle jouait pour autant la travestie, bien au contraire (à l’opposé de son contemporain Charles de Beaumont, chevalier d’Eon, mais ne nous égarons pas). Figurez vous que cette chère demoiselle fût l’amante, dans l’ordre, des écrivains Jules Sandeau, Prosper Mérimée et Alfred de Musset, de l’avocat Michel de Bourges et pour finir avec le compositeur Frédéric Chopin. Beau répertoire à son actif, n’est-ce pas, qui fait mieux ? Ainsi, Friedrich (notre hérisson) nous suggère la lecture de François le Champi. J’y veillerai.

Friedrich a un cœur d’artichaut (dont il raffole soit dit en passant). Il se fait parfois appeler Edouard (le fameux Edouard, celui aux mains d’argent). Subtile métaphore sur la question du pouvoir de séduction des hérissons : étant fort mal lotis à ce niveau, ils ne peuvent en user qu’en jouant sur l’émouvant contraste entre leur âme tendre et sensible d’un côté et leur corset épineux de l’autre. Friedrich est un as en la matière, et il est amoureux de d’Hapydjefaï.

Friedrich est également un érudit de musique classique, il délecte l’esprit avec le piano, est au comble du ravissement à l’opéra : surtout les russes. De ces personnages de la fin du 19ième siècle, « petit de taille, mais grand de cœur, gai en surface mais résigné au malheur », voilà Friedrich qui se prend au jeu, il voudrait même s’appeler Yojik. Ca te va comme un gant Friedrich !

Friedrich s’improvise philosophe (ce n’est pas pour rien s’il s’appelle ainsi« Tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort », ben voilà Nietzsche). Petite leçon existentielle : il ne faut jamais capituler quand on souhaite vraiment quelque chose même si on se dit « A quoi bon puisqu’on est tous mort à l’arrivée ? ». J’y avais pensé aussi. Merci Friedrich, je reprends espoir.

Friedrich est un militant dans l’âme, il n’hésite pas à s’engager pour le bien de son peuple : contre la traite des hérissons en Afrique, manifestons ! je suis avec toi Friedrich !

Et puis Friedrich a plus d’un tour dans son sac : il capable de ronronner la maman des poissons. En véritable vorace, il mène avec habilité un corps à corps avec des serpents et des scorpions, pour ensuite les gober, d’un coup. Et il est apte à estiver bien que ce soit un hibernant. Fastoche!


Et Friedrich connaît l’étymologie du mot baba !!!

L’histoire atteint son paroxysme avec la sacro sainte chanson du coucou dans la forêt «smile»


Est-ce vraiment un conte pour enfant ?

I love Friedrich

vendredi 5 mars 2010

baba und fall net


Baba…qui aurait pu imaginer que ce petit mot, que dis je, cette onomatopée directement associée au gazouillement d’un bébé, ait pu être si riche de sens? Comment croire que la figure paternelle en fût l’origine ?
Retour aux sources, précisions de vocabulaire.








Dans la langue de Molière:

_ Ce qui vient naturellement : le gazouillement d’un charmant bambin

_ Le gâteau, fameux baba au rhum (les gourmands se reconnaîtront) : j’ai ouï dire qu’un certain roi de Pologne, Stanislas Leszczyński pour être tout à fait précise, raffolait de Kouglof (ces légendaire gâteaux en force de turbans de Roi Mage). Malheureusement, fautes d’avoir suffisamment de dents, il ne pouvait pas se délecter à son aise de ce vice culinaire. Il eût alors l’idée (de génie) d’en ramollir la pâte à l’aide de vin de Tokai (il renversa carrément la bouteille dessus, malin). Et comme, à la même période, il aurait lu et fort apprécié les contes des Milles et Une Nuits ( se reconnaissant dans le personnage d’Ali Baba), il aurait décidé de renommer cette pâtisserie Baba, en l’honneur de son héros. A moins que ce ne soit parce que la forme lui rappelait celle de la robe de sa grand-mère (se dit baba en polonais). Il était complètement allumé oui ! Toujours est il qu’il importa son astucieuse découverte en France (au grand soulagement de tous les édentés de l’hexagone), dont la liqueur de Tanaisie fût remplacé avec du rhum par le célèbre pâtissier Nicolas Stohrer. Ce qui rendit son accessibilité au plus commun des mortels.
Un peu tiré par les cheveux, n’est-ce pas ? Je vous l’accorde…

_ Expression de la stupéfaction : Cela viendrait du latin médiéval (bas latin) issu lui-même du latin des environs du Palatin (ce calembour n’est pas intentionnel, bien sûr ).
En bas-latin, donc, 'batare' voulait dire 'ouvrir la bouche’. Et nos verbes 'ébahir', 'bailler' ou 'béer' en puiseraient leur origine.
A la fin du 18ième siècle, ‘ébahir’ donna naissance à baba, onomatopée obtenue par redoublement du radical 'ba' de ce verbe.
En ce temps là, l’expression était utilisée comme un nom propre "rester comme Baba" ou "rester comme Baba, la bouche ouverte". Ce n'est qu'un siècle plus tard que l’expression tel que nous la connaissons apparaît. C’est ainsi que Baba fût détrôné et ramené au rang du vulgaire.


Mais, ce n’est pas en français que baba nous présente tous ses atouts : son côté germanique est beaucoup plus interpellant :

_ Dans la langue de Goethe, il serait utilisé dans un contexte plutôt familier, principalement lorsqu’on s’adresse aux enfants. Cela désignerait quelque chose d’immonde, de sale, qu’il ne faut pas faire ou toucher. A la base, il s’agirait d’un emprunt au babà lituanien signifiant ‘qui n’est plus là’, ‘qui est déjà parti’. Un exemple traduit pourrait être : "non, n’y touche pas, c’est baba !" (c’est bahhh, baaahhhh, pas beau)

_ Chez leurs voisins autrichiens, la signification prend une tournure quasi kafkaïenne. Effectivement c’est papa qui aurait muté sous l’influence du dialecte (LE dialecte). Le rapport ?? Et oui, durant la période Biedermeier, le père incarnait la figure charismatique de l’univers familial, régnant en véritable monarque sur femme et enfants (cf. Das weiβe Band pour voir faire une idée, même avec un siècle de décalage). Il était fort recommandé, dans la haute aristocratie, d’adresser ses adieux en rendant hommage au père, en ces termes : "...und schöne Grüße an den Herrn Papa!", soit "... et bien des choses à monsieur le papa" . Le papa muté s’emploie aujourd’hui avec dans le cadre amical et s’identifie , entre autres, à "bis bald ", "tschüss" ou encore "servus" .


Bon après, je n’aborderais pas sa signification albanaise, polonaise, ou turque, encore moins chinoise. Aber, das pockt den Hund nicht hinter dem Ofen hervor !

lundi 1 mars 2010

"Beam Drop"

Par où cela a-t-il commencé ? Avec les arbres, oui, au commencement, il y avait des arbres. Pas n’importe lesquels, ils étaient nus.


C’était par un après-midi d’été, dans un Berlin engourdi (j’aurais même pu dire moribond tellement il y avait de « pas »). Et je suis entrée dans la Alte Nationalgalerie. Quant à comprendre le hic de ce nunc et le quid de ce quod ? Ennui ou lubie d’esthète ? (cette absence de réalité qui faisait partie des « pas », sûrement). Voilà où Friedrich et moi, nous nous sommes rencontrés pour la première fois : lui coincé entre un Waldmüller et un Blechen, moi dans un état d’hyperactivité spirituelle, cherchant à dissoudre cet ennui... Toutefois, l’effet ne s'est pas produit immédiatement, il n’y a même rien eu du tout, absolument rien. Si, un vague fumet angoissant s’en dégageait, relevé d'une touche de mysticisme. Peut-être.

Puis, j'ai oublié (mon hippocampe a dû vouloir le ranger au fond d’un tiroir, comme une dent de lait ou un caillot d’appendicite, pas d’inquiétude, me dis je, tu le retrouveras très certainement d’ici quelques années..).


Deux ans se sont écoulés, je suis retournée en Allemagne et Friedrich m’y attendait. C’est la faute des arbres, voyez-vous, les arbres l’hiver, décharnés comme morts. Nus. L’angoisse, latente, se réveille, Friedrich surgit : il est là, nulle part et partout, il me fixe. Comme propulsée instantanément, l’image devant mes yeux, une abîme à elle seule. Me voilà condamnée, un arbre l’hiver ne pourra jamais plus n’être qu’un arbre en hiver (« Qui vous dit que l’oiseau fondant les régions éthérées n’est pas un univers de jouissance infini ceint par le quintuple mur de vous sens ? » Oh, très cher William Blake, que vous avez raison !). Tous seront dorénavant mes arbres de Friedrich (vous l’aurez compris, Friedrich et moi, maintenant, on est inséparable)


L'Abbaye dans un bois


Malheureusement, la malédiction ne s’est pas confinée aux arbres seuls. Plusieurs entités sont venues progressivement s’y greffer, différents maux l’ont envenimé (attirant et gentleman, Friedrich était très courtisé de son vivant, sans doute). Les canards, d'abord: je suis devenue anatideaphobe. C’est une chose effrayant que cette peur obsessionnelle qui occulte vos pensées, d’un regard de canard figé, et il faut voir la bête ! (Petit bémol aux canards mauves aubergines-klaxons, ceux-là, aimons-les!).

Puis ajoutez-y des bocaux (attention, uniquement sur la cheminée, et de la mère de Verlaine je vous pris), ainsi que quelques pieds de porcs (à ne pas intervertir avec une tête de mouton, ça peut être fatal). Laissez reposer. Quelle inertie insupportable, à peine tolérable (un effroyable « pas »). A ce stade, il nous faut du mouvement, ad hoc. Tressautement, frétillement, premier ébranlement : ça bouge (ouf). Un combat acharné s'amorce. Premier round, le tango mène la danse. Deuxième round, celui-ci est littéralement envoyé sur le carreau par la fameuse et très attendue danse des canards (problème technique d’adhérence, incompatible entre des pattes palmées et des pieds fourchus: le tango est bancal). Révélation! Mais suis-je bête, ne pouvait on pas qu’en espérer tant? Oui, celle là même qui servait de défouloir à nos instituteurs de maternelles : « putain, y en marre, et si on leur faisait faire une danse des canards ? ».


Je viens de faire une psychothérapie.

Vous n’y croyez pas ? Vous êtes un lecteur buté, un canard en plastique en somme..