lundi 1 mars 2010

"Beam Drop"

Par où cela a-t-il commencé ? Avec les arbres, oui, au commencement, il y avait des arbres. Pas n’importe lesquels, ils étaient nus.


C’était par un après-midi d’été, dans un Berlin engourdi (j’aurais même pu dire moribond tellement il y avait de « pas »). Et je suis entrée dans la Alte Nationalgalerie. Quant à comprendre le hic de ce nunc et le quid de ce quod ? Ennui ou lubie d’esthète ? (cette absence de réalité qui faisait partie des « pas », sûrement). Voilà où Friedrich et moi, nous nous sommes rencontrés pour la première fois : lui coincé entre un Waldmüller et un Blechen, moi dans un état d’hyperactivité spirituelle, cherchant à dissoudre cet ennui... Toutefois, l’effet ne s'est pas produit immédiatement, il n’y a même rien eu du tout, absolument rien. Si, un vague fumet angoissant s’en dégageait, relevé d'une touche de mysticisme. Peut-être.

Puis, j'ai oublié (mon hippocampe a dû vouloir le ranger au fond d’un tiroir, comme une dent de lait ou un caillot d’appendicite, pas d’inquiétude, me dis je, tu le retrouveras très certainement d’ici quelques années..).


Deux ans se sont écoulés, je suis retournée en Allemagne et Friedrich m’y attendait. C’est la faute des arbres, voyez-vous, les arbres l’hiver, décharnés comme morts. Nus. L’angoisse, latente, se réveille, Friedrich surgit : il est là, nulle part et partout, il me fixe. Comme propulsée instantanément, l’image devant mes yeux, une abîme à elle seule. Me voilà condamnée, un arbre l’hiver ne pourra jamais plus n’être qu’un arbre en hiver (« Qui vous dit que l’oiseau fondant les régions éthérées n’est pas un univers de jouissance infini ceint par le quintuple mur de vous sens ? » Oh, très cher William Blake, que vous avez raison !). Tous seront dorénavant mes arbres de Friedrich (vous l’aurez compris, Friedrich et moi, maintenant, on est inséparable)


L'Abbaye dans un bois


Malheureusement, la malédiction ne s’est pas confinée aux arbres seuls. Plusieurs entités sont venues progressivement s’y greffer, différents maux l’ont envenimé (attirant et gentleman, Friedrich était très courtisé de son vivant, sans doute). Les canards, d'abord: je suis devenue anatideaphobe. C’est une chose effrayant que cette peur obsessionnelle qui occulte vos pensées, d’un regard de canard figé, et il faut voir la bête ! (Petit bémol aux canards mauves aubergines-klaxons, ceux-là, aimons-les!).

Puis ajoutez-y des bocaux (attention, uniquement sur la cheminée, et de la mère de Verlaine je vous pris), ainsi que quelques pieds de porcs (à ne pas intervertir avec une tête de mouton, ça peut être fatal). Laissez reposer. Quelle inertie insupportable, à peine tolérable (un effroyable « pas »). A ce stade, il nous faut du mouvement, ad hoc. Tressautement, frétillement, premier ébranlement : ça bouge (ouf). Un combat acharné s'amorce. Premier round, le tango mène la danse. Deuxième round, celui-ci est littéralement envoyé sur le carreau par la fameuse et très attendue danse des canards (problème technique d’adhérence, incompatible entre des pattes palmées et des pieds fourchus: le tango est bancal). Révélation! Mais suis-je bête, ne pouvait on pas qu’en espérer tant? Oui, celle là même qui servait de défouloir à nos instituteurs de maternelles : « putain, y en marre, et si on leur faisait faire une danse des canards ? ».


Je viens de faire une psychothérapie.

Vous n’y croyez pas ? Vous êtes un lecteur buté, un canard en plastique en somme..

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