mardi 7 mai 2013

Pieta



L’origine du mal, ainsi pourrait être l’ultime questionnement de ce film, « Pieta ». L’origine du mal proviendrait elle tout comme celle du monde, du déliement de l'être à sa mère ?


Notre protagoniste, taciturne et mystérieux, semble n’avoir de lien, plus de lien aucun, si ce n’est pas n’avoir jamais eu de lien, en tout cas avoir l’air d’en souhaiter jamais plus aucun. Il vit seul, mange seul, dort seul, baise seul. Il est seul. Travaille pour le compte d’une obscure banque de prêt, pour des chefs qu’il ne rencontre jamais. Le seul lien qui le maintient en communauté est l’argent, matière d’échange par excellence, devenue seul échange solvable dans l’actuelle société capitalisée. Echange qui lui sert paradoxalement à désunir les gens, les couples, les familles, les amants. A amputer les membres, les mains, celles qui permettent de toucher, de donner, d’affectionner, de lier. Prêt que nombres de petits artisans ne pourront jamais rembourser. Solution toute trouver : les avilir, les handicaper, les condamner à une pension à vie, au crochet de la société, comme des poids qu’on ne serait délier nous forçant à sombrer. Rompre des liens gratuits pour en créer des obligés. Les compagnons des meurtris, obligés de l’ombre, s’occupent alors de ces handicapés à vie. Peut-être est ce la peur de cette liaison volontaire et fragile potentiellement temporaire? Peut-être est ce le souhait qu'elle devienne à jamais solide et durable, inébranlable moralement et redevable éternellement ? Pourquoi sinon provoquer un tel mal ?

Parce que lui n’a jamais eu de lien aucun ? Parce que sa mère est partie, s’est autorisée à briser ce lien inné et sacré, parce que justement il était fragile et gratuit, qu’elle le pouvait ? La question est alors de comprendre comment peut il supporter de briser des vies, un si grand nombre de vies, de projets, et d’amour. Amour asservi et assigné par l’handicap, quand la pitié et la compassion remplace l’amour profond et gratuit. La compassion, quel être humain peut il à ce point en être dénué ? Parce qu’il n’a jamais connu, ressenti, vécu le lien si fort qui nous unit à une personne que l’on chérie ? Parce qu’il ne sait pas ce que cela fait d’être "délié" d’une personne aimée ? Comment en effet pourrait il ressentir ou même appréhender la puissante compassion qu'engendre le regard de ces désunions lui qui n'en a jamais expérimenté aucune? Expérience sensible qu’il n’a jamais eu : il ne sait pas ; et n’est pas même en mesure de le savoir. Alors il exécute sans retenue, un mal qui pour lui n’en est pas un, qui n’a nulle autre signification que l’obtention d’un dû.

Jusqu’au jour où sa mère entre dans sa vie. Et la fragilité de ce lien tenu qui le tient. Une claque. Le fouet de la prise de conscience en plein visage. L’expérience est faite en une fraction de seconde. Avec elle, l’instabilité d’un lien qu’il faut entretenir, qu’il faut protéger de tous les dangers; et la terrible conscience de tous ceux qu’il a ainsi brisés. Le repentir qui ronge un homme envers et contre tout, malgré lui.
L’immense pitié qui nous envahit face à la déchéance de la conscience humaine, comment peut il seulement le supporter, comment peut-il seulement continuer à vivre ? Aurait il seulement fallu qu’il en retrouve la conscience ? Nous spectateurs finissons par le prendre en pitié, pitié supérieure à toutes celles des familles meurtries, qu’il a brisées. Est ce sa faute à lui s’il n’a jamais eu de mère? Et si l'on va plus loin, est sa faute à cette mère? Quelles était la motivation profonde de cet abandon? Peut-être l'a elle fait car il lui était un souvenir douloureux, souvenir d’un viol d’un inceste d’un meurtre ? Mais ce meurtre, quel en serait la raison? Et ce mal, inhérent à la société, d’où proviendrait il ? Quelle en serait son origine? Comme un état nécessaire à la survie des autres psychiquement stables ? Une condition sine qua non à l’existence d’une vie en société ? Société alors gangrenée par un mal qu’elle aurait elle même engendré, des profondeurs de l’humanité ? Le cancer de notre société?

Et qui est choisi pour en subir les conséquence ? Comment en vouloir volontairement à quelqu’un qui n’est pas bien né ? Tri arbitraire. Tout dépend de notre aléatoire nécessaire injuste naissance, déterminant inconditionnel de notre devenir humain. Et la conscience, instrument de torture de toutes les impuissants qui savent et comprennent, et n’y peuvent rien.

Film parsemé de petits animaux que l’on torture avec une allégresse stupéfiante, comme la mise en lumière de ce mal qui ronge la société, qui suppure de tous ses pores. Cette violence gratuite n’était pas celle là même à plus grande échelle qu’on serait capable de faire subir à ses semblables ? Quand la limite est elle franchie ? Y a t il seulement une limite à ne pas franchir ? La violence gratuite n’est elle pas condamnable quel qu’en soit l’être vivant? Pourrait on penser, quel autre mal inhérent au vivant que la sélection naturel ? Le plus faible au profit du plus fort, la lutte pour la survie interdisant toute faiblesse. C’est bien mal interpréter l’œuvre de Darwin que de lui en joindre cette théorie. Ce n’est pas le plus fort mais le plus adaptatif qui survie, le plus à même de s’adapter à des interconnections sans cessent en évolution. Ce serait oublier bons nombres d’entres-aides et d’associations au sein de la nature, connections-liens nécessaires entre tous les êtres vivants de la planète terre. Ou bien, le mal comme unique réponse à l’incapacité adaptative ? Unique recours pour survivre ? Ultime chance ? Chance bien miséreuse pour l’homme qui en saisit tout le sens.

mercredi 24 avril 2013

Atmosphères ensoleillées

Une odeur de bananes se méle à celle du grenier, au fond d'une cour les vestiges d'un brunch tout juste terminé: on entend en cuisine la vaiselle tinter. Le soleil plombant l'opaque verrière, s'ajoute au poids du passé que la Comtesse de Ségur souligne de la présence de ses livres roses: mémoires d'un âne.

Il y avait le canal, et regarder le transvasement des écluses avec les enfants, l'hôtel du Nord, et son atmosphère ritournant s'associant au clapotis de l'eau se déversant, l'eau, et les bateaux, et les gens aux bords de l'eau regardant les bateaux, le soleil, et le reflet du soleil que faisait briller l'eau. Les oiseaux, et les gens, un chien à collier rose, et les écluses où passaient des bateaux. Des vélos, rouillés prêt à rouler, à vendre, et des gens discutant au bord de l'eau sur leur bateau. La voix roccailleuse d'un chanteur de reggae qu'écoutaient les graffitis de l'autre côté du quai, obligés.

Les bass englobantes du point éphémère dessine les pourtoures des objets que semble lui indique le soleil de ses rayons, boucles rassurantes, redonne au son sa réelle dimension.

On a pris de facicules, la matérialité du papier comme l'effet de la nouveauté retrouvée (au courant de tout on savait déjà tout, seul le contact et l'assurance du toucher manquait). Ronde la rotonde, tranquille face devant l'étendue de l'eau dorée par le soleil et son reflet, brille.

Belleville, brute, murs palimpsestes de graffitis, il fallait remonte la butte. On carbure aux bubble tea. Les billes de tapioca collent au palet, autant que le soleil sur nos peaux que la blancheur ne veut plus quitter. La rue Dénoyez de graffitis et de soleil noyée: les gens en farandolles serrés contre le murs, apés par la course de l'ombre et du soleil que des petits vélos-mongolfières rouges essaient d'arbitrer. Les corps avachis ont investis en masse le parc de Belleville tout exprès pour les admirer. Molles masses détendues sur et par l'herbe. O'Paris que fait briller le soleil! Tous, made in Monde, un effet psylocibilien magnifié par les rayons, des envies d'embrasser la terre entière comme l'éclat doré recouvrant les toits de Paris l'été. Au loin des sonorités jazzies, et l'attente espérée qu'une table au soleil deigne se libérer: le rouge à lèvre rose glisse sur une bouche pincée. Le soleil encore haut dans le ciel de ce début de soirée, nous guide vers la Bellevilloise de quelques indices teutons: il ne faudrait pas se tromper.

Jazzanova ensorcelle nos jambes qui ne pourront cesser de danser, notre corps digére la musique que nos cellules sautillantes racracheront sans broncher. A la fin, nos pieds, aussi brûlant que le soleil de cette journée, seront les seuls, encore tard dans la nuit avancée à rester éveillés.


 
Ce fût une très belle journée.