dimanche 8 mai 2011

Moin moin @Bonn

Il est grand temps de faire part de mes premières impressions, comme toujours pour chaque nouvelle ville que j'aborde, j'aime partager sa globale Stimmung.


Bonn, c'est la ville:

- des vendeurs de sommeils. J'ai pas compté le nombre de boutiques de Matrazen que cette ville possède, mais à la dérobée dans la rue quand on s'y attend le moins ou que l'on cherche attentivement quelque chose de tout à fait spécial, voici le matelas de vos rêves ou la chambre idéale pour copuler apparaît sous vos yeux. Non mais sans rire, c'est pas le moment! Du coup, tu te commence à te sentir d'humeur malsaine, au bord de la défaillance, et tu ne peux continuer ce que justement tu étais en train de chercher et que tu viens d'oublier. Une ville intentionnellement soporifique ..

- au Zentrum labyrinthe au moult et une places: impossible de s'y retrouver, autant dire qu'il faut y aller au pif avec la fiabilité du soleil pour seul repère: dans tous les cas, tu déboucheras sur une place sans pour autant pouvoir dire une fois dans ta vie: j'ai réussi à finir un labyrinthe! Car ce labyrinthe est sans issu.
C'est là un centre dans toute son absurdité.


- à la rue café-chocolat-café-thé, pour les desséchés du gosier mais plutôt dans le genre raffiné: c'est la rue la plus BCBG du quatier (en plus d'être celle de Friedriech <3)

- des clubs réunion tupperwer en sortie organisée: cars entiers de femmes au foyer en chemisettes à fleur qui encombrent de leur pas lents les rues dallées du centre ville. A se demander où a bien pu passer leur Mann, pas encore assez vieilles pour celui-ci soit mort, peut-être un ensemble de divorcés ou de catherinettes jamais mariées? Vielles morues.

- colorée. Si vous cherchez le beau blond arien, ce n'est pas ici que vous trouverez, il y règne plutôt un agréable melting pot comme ceux que l'on trouve aux USA toutefois d'apparence plus chip.
Une ville très mélange des genres cloisonnés donc.


- des Bahns transformistes: tu entres dans une gare de U-Bahns pour, bien sûr, prendre un S-Bahn qui, en l'espace de 2/3 arrêts, se transformera, évidement, en StraBenbahn. Logique. Le voilà tout frétillant qui déambule au milieu de la rue sans égard ni manière, quel culot! Que dirait on si je me transformais subitement en chien puis en pigeon? Et sans parler des numéros qui partent dans tous les sens (du 18 au 63 sans crier gare). Sûrement des résurgences tanukiennes.
Notons cependant un point qui m'a affreusement affligé: l'absence totale de "bitte zurück bleiben" mais pas un petit "zurück bleiben bitte", rien!!

- des péniches aux longueurs indéterminées, que l'on peut regarder une heure durant passer sous l'unique pont de la ville (c'est très drôle quand un bout sort et l'autre pas encore, on dirait qu'elles cherchent à s'abriter sans jamais le pouvoir). Et on se demande alors comme c'est encore possible que cela soit rentable ces machins là, à l'heure de la grande vitesse et du web2.0?
N'empêche, elles sont trop chupsies!
Transports soniques et toniques.


- du Beul-Viertel : le quariter undergrund avec sa Brotfabrik, une fabrique de pain magique, qui peut donner du cinéma, de la danse, du théatre, toutes sortes d'art, y a même un kneipe qui en est ressortie (sans doute après la fin du rationnement en Hefen), son Charreau: le bar à vins français, tenu par des français, avec de soirées œnologiques plein de nez français: le repère, son Momo bioladen (cachée, Cassiopeia t'y attendra)

- au Rex-Theater: un cinéma-théâtre comme on en trouve qu'en Allemagne, avec son rideau disco qui n'arrête pas de scintiller à vous en agresser l'œil, sa musique d'ambiance jazzy-pop et ses films d'art et d'essai allemands, uniquement allemands.


- aux essentiels toujours présents avec son centre propret aux façades gominées, ses boules de graines dénommées brötchen, ses spargel par milliers(outre rhin on ne fait rien sans elles), ces fameuses boutiques café-prêt-à-porter féminin-bricolage du dimanche Tchibo et tant d'autres choses encore qui font vous le savez bien de l'Allemagne un pays pas comme les autres.



hum, j'ai l'impression d'avoir décri un gros Gloubi-boulga fort indigeste. Je dois pas être encore tout à fait acclimatée.

mercredi 4 mai 2011

cas d'oignons

"_ [...] Vois tu, on a des battements de coeur lorsqu'on est à la veille d'une joie particulière, ou au contraire lorsqu'on redoute quelque chose, bref lorsqu'on a des sentiments agités, n'est ce pas? Mais lorsque le coeur bat de lui-même, pour ainsi dire sans rime ni raison, et comme de son propre chef, je trouve cela étrangement inquiétant, tu m'entends bien, c'est à peu près comme si le corps allait son propre chemin et n'avait plus aucun rapport avec l'âme, en quelque sorte comme un corps mort qui, en fait, ne serait pas précisément mort - cela n'existe pas - mais qui mène au contraire une existence tout à fait active et indépendante: il lui pousse des cheveux et des ongles, et à toutes sortes d'égard encore, physiquement et chimiquement, il y règne en somme, autant que je me suis laissé dire, une activité tout à fait joyeuse...
_ Qu'est ce que c'est que ces expressions? dit Joachim avec un accent de blâme réfléchi. Une activité joyeuse?"
" Mais c'est ainsi! C'est une activité très mouvementée. Pourquoi donc cela te choque-t-il? demanda Hans Castorp. D'ailleurs, je ne signalais cela qu'en passant. Je ne voulais pas dire autre chose que ceci: comme c'est inquiétant et pénible que le corps vive et se donne de l'importance, de son propre mouvement et sans rapport avec l'âme, ainsi c'est le cas pour ces battements de coeur sans motif. On est amené à leur chercher un sens, un état d'âme qui leur corresponde, une joie ou une peur qui les légitimerait en quelque sorte - du moins c'est ce qui m'arrive, je ne puis parler que de moi."

La Montagne magique, Thomas Mann

dimanche 1 mai 2011

du diable Vauvert

"Tout art (après Duchamp) est (par nature) conceptuel car l'art n'existe que conceptuellement.". CQFD Joseph Kosuth

L'art conceptuel de part le cheminement qu'il emploie à transposer la réalité d'une situation dans une autre totalement dénuée de sens (de prime abord), peut conduire à un retranchement de l'absurde dans l'absurde au point d'en paraître merveilleux. Merveilleux le raisonnement de l'intellect humain qui a su le penser, qui a su relier ces deux points en un trait plein bien que suspendu aux vertus cognitifs de chacun. Difficilement concevable, quasiment hermétique, il devient évidence quand le trajet a su se faire, et c'est un Eureka et la bêtise de ne pas avoir su y penser de soi-même.

"le merveilleux est toujours beau, n'importe quel merveilleux est beau, il n'y a même que le merveilleux qui soit beau". André Betron a bien raison. Merveilleuse beauté de ce cheminement, qu'aurait il à envier à l'œuvre d'art au sens classique? Le passage par le système des sens? Son exemption d'approche sensible? Loin d'en être, c'est une autre trajectoire tout aussi inexplicable qui s'impose, une approche sensible retardée, que la mémoire du passé à stocker pour la restituer, une sorte de silly-billy position.

"Je ne fais que remettre en jeu des choses qui sont déjà là, la mise à distance passe souvent par le retournement des images que j’emprunte. Elles sont d’abord détournées de leur sens, puis retournées (mises à l’envers) mais aussi retournées vers le système médiatique qui les produit" disait Bruno Peinado.
Disposition d'où paraît la distanciation nécessaire pour appréhender un monde, celui qui entoure chacun d'entre nous, pour le supporter comme décor indispensable à notre jeu d'acteur polyvore.

Distanciation l'un par le corps (art au sens classique), l'autre par l'esprit (art conceptuel), l'un subi (art au sens classique), l'autre choisi (art conceptuel).