Baba…qui aurait pu imaginer que ce petit mot, que dis je, cette onomatopée directement associée au gazouillement d’un bébé, ait pu être si riche de sens? Comment croire que la figure paternelle en fût l’origine ?
Retour aux sources, précisions de vocabulaire.
Dans la langue de Molière:
_ Ce qui vient naturellement : le gazouillement d’un charmant bambin
_ Le gâteau, fameux baba au rhum (les gourmands se reconnaîtront) : j’ai ouï dire qu’un certain roi de Pologne, Stanislas Leszczyński pour être tout à fait précise, raffolait de Kouglof (ces légendaire gâteaux en force de turbans de Roi Mage). Malheureusement, fautes d’avoir suffisamment de dents, il ne pouvait pas se délecter à son aise de ce vice culinaire. Il eût alors l’idée (de génie) d’en ramollir la pâte à l’aide de vin de Tokai (il renversa carrément la bouteille dessus, malin). Et comme, à la même période, il aurait lu et fort apprécié les contes des Milles et Une Nuits ( se reconnaissant dans le personnage d’Ali Baba), il aurait décidé de renommer cette pâtisserie Baba, en l’honneur de son héros. A moins que ce ne soit parce que la forme lui rappelait celle de la robe de sa grand-mère (se dit baba en polonais). Il était complètement allumé oui ! Toujours est il qu’il importa son astucieuse découverte en France (au grand soulagement de tous les édentés de l’hexagone), dont la liqueur de Tanaisie fût remplacé avec du rhum par le célèbre pâtissier Nicolas Stohrer. Ce qui rendit son accessibilité au plus commun des mortels.
Un peu tiré par les cheveux, n’est-ce pas ? Je vous l’accorde…
_ Expression de la stupéfaction : Cela viendrait du latin médiéval (bas latin) issu lui-même du latin des environs du Palatin (ce calembour n’est pas intentionnel, bien sûr ).
En bas-latin, donc, 'batare' voulait dire 'ouvrir la bouche’. Et nos verbes 'ébahir', 'bailler' ou 'béer' en puiseraient leur origine.
A la fin du 18ième siècle, ‘ébahir’ donna naissance à baba, onomatopée obtenue par redoublement du radical 'ba' de ce verbe.
En ce temps là, l’expression était utilisée comme un nom propre "rester comme Baba" ou "rester comme Baba, la bouche ouverte". Ce n'est qu'un siècle plus tard que l’expression tel que nous la connaissons apparaît. C’est ainsi que Baba fût détrôné et ramené au rang du vulgaire.
Mais, ce n’est pas en français que baba nous présente tous ses atouts : son côté germanique est beaucoup plus interpellant :
_ Dans la langue de Goethe, il serait utilisé dans un contexte plutôt familier, principalement lorsqu’on s’adresse aux enfants. Cela désignerait quelque chose d’immonde, de sale, qu’il ne faut pas faire ou toucher. A la base, il s’agirait d’un emprunt au babà lituanien signifiant ‘qui n’est plus là’, ‘qui est déjà parti’. Un exemple traduit pourrait être : "non, n’y touche pas, c’est baba !" (c’est bahhh, baaahhhh, pas beau)
_ Chez leurs voisins autrichiens, la signification prend une tournure quasi kafkaïenne. Effectivement c’est papa qui aurait muté sous l’influence du dialecte (LE dialecte). Le rapport ?? Et oui, durant la période Biedermeier, le père incarnait la figure charismatique de l’univers familial, régnant en véritable monarque sur femme et enfants (cf. Das weiβe Band pour voir faire une idée, même avec un siècle de décalage). Il était fort recommandé, dans la haute aristocratie, d’adresser ses adieux en rendant hommage au père, en ces termes : "...und schöne Grüße an den Herrn Papa!", soit "... et bien des choses à monsieur le papa" . Le papa muté s’emploie aujourd’hui avec dans le cadre amical et s’identifie , entre autres, à "bis bald ", "tschüss" ou encore "servus" .
Bon après, je n’aborderais pas sa signification albanaise, polonaise, ou turque, encore moins chinoise. Aber, das pockt den Hund nicht hinter dem Ofen hervor !
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