Voyez vous, j'ai découvert la chose plus abracadabrante qui puisse arriver: je suis SYNESTHETE. Hier, en cherchant une broutille sur Vladimir Nabokov, j'ai découvert qu'il l'était, et par là même que je l'étais aussi, bref, que nous l'étions. Moi qui n'avais jamais su mettre de mot sur ce phénomène tant coutumier que baroque. Merci Nabokov!
Débroussaillons quelque peu ce vilain mot avec un exemple approprié.
Connaissez vous la comptine Buvons un coup ma serpette est perdue?
ça donne à peu près cela:
«Buvons un coup ma serpette est perdue,Mais le manche, mais le manche,Buvons un coup ma serpette est perdueMais le manche est revenu.»
Bon, après faut faire les variantes en interchangeant les voyelles A, E, I, O, U, OU, É, È, OI, UI, OUI, AN, IN, ON, UN, OIN… Je sais pas ce qu'on pourrait trouver encore (l'allemand aidant: Ö, EI, EU, AU)
Donc voilà: cette chanson change de couleur avec les voyelles. Avec, A elle est violette, avec E elle est jaune, avec I elle est rouge, avec O bleue, avec u vert-bleue, etc...
Magique, non?! J'ai un kaléidoscope intégré au cerveau!
Revenons à une explication un peu plus rationnelle.
Le mot « synesthésie » viendrait du grec, syn, « avec » et aisthêsis, « sensation ».
Ce qui nous amène à la définir ainsi « la synesthésie est une condition neurologique dans laquelle la stimulation d'une modalité sensorielle provoque d'inhabituelles expériences dans une autre modalité sensorielle, non stimulée. ».
Le cerveau aurait pour ainsi dire la capacité d'associer au moins deux réponses sensorielles à un stimulus. Par exemple, certains synesthètes qui entendent une note de musique, associent automatiquement et constamment une couleur particulière à cette note. Les scientifiques dénombrent plus de 152 dénombrées synesthésie différentes.
Non, je ne vais pas m'attarder sur les 152, j'ai un chabus à prendre demain. Arrêtons nous aux principales:
_ « la synesthésie graphème-couleur » (les différentes lettres ou nombres apparaissent teintés de différentes couleurs),
_ « l'audition colorée » (les sons évoquent des couleurs),
_ « la synesthésie nombre-espace » (les nombres sont associés avec des localisations précises dans l’espace).
Quelques raretés:
_ « la synesthésie lexicogustative » (les mots individuels ainsi que les phonèmes du langage parlé évoquent des sensations de goûts dans la bouche),
_ ou encore « la personnification ordinale/linguistique » (des séquences, comme les nombres, les jours de la semaine, les mois et lettres sont associés avec des personnalités).
J'ai entendu dire qu'environ 4% de la population était touché, et 1 sur 2000 pour les plus rares.
Comment ça se passe dans le cerveau? La théorie de l’« activation croisée » (cross activating) nous en dit long: entre deux régions voisines, les neurones s’échangeraient des informations alors qu’ils ne le devraient pas. A la base, on le serait tous jusqu'à l'âge de 3/4mois . Durant les trois premiers mois, le cerveau étant encore immature, les informations arriveraient en vrac et seraient interprétées par tous les sens simultanément. A partir de trois mois, l'organisation des perceptions sensorielles se stabiliserait. Mais, pour certains individus, des causes génétiques seraient à l'origine d'un « mauvais câblage » entre différentes zones du cerveau, entraînant l'apparition d'une synesthésie.
Voilà, je serai donc mal câblé...
Toujours est il que la mienne est avant tout graphème, les jours de la semaine ont chacun leur couleur, les mois aussi, la gauche est rouge, la droite est bleue (indépendamment des partis, entendons nous), les notes de musiques sont une palette, les prénoms, teintés, et les différentes périodes de ma vie oscillent entre éclaircies et obscurités. Quant aux lettres, seulement les voyelles sont concernées.
Petite particularité: les mots ont un caractère, ils sont plus ou moins «agressifs». Soit arrondis, soit anguleux. Ce qui fait aussi qu'un même mot peut avoir différentes couleurs et différentes formes. Prenons l'exemple d'hémorroïde (je le répète, le plus beau mot de la langue française): il est arrondi à ses extrémités, anguleux au milieu, un début jaune, un milieu bleu, et une fin rouge. C'est beau n'est pas? J'ai peur que «terrible» me morde...
Quelle histoire! Et moi qui pensais que tout le monde voyait les choses ainsi, apparemment non.
Et vous autres, auriez vous aussi une palette de peinture dans le cerveau?
This is Rimbaud babe :)
RépondreSupprimer"A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,
Golfes d'ombre ; E, candeur des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;
U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;
O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silence traversés des Mondes et des Anges :
- O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux ! -"
une illustration plus élégante que ma comptine, Rimbaud était donc aussi atteint?! merci eloctopato ;)
RépondreSupprimerComptine de maternelle :
RépondreSupprimerLundi tout gris
Le lundi est tout gris.
Jaune clair est le mardi.
Mais voici mercredi rose,
on se repose.
Jeudi bleu vient à son tour.
Vendredi vert le suit toujours.
Samedi rouge,
Dimanche blanc
c'est la joie des enfants!