On pourrait penser, comme ça, de prime abord, que Munich, avec ses rues proprettes, aux façades lubrifiées, ses bavarois etepetetes à la chevelure gominée et au sourire gibs figé-contrarié, avec ses voitures Daimler nickelée-chromée-moteur DB600, serait loin d'être la ville la plus funky d'Outre-Rhin. A moins d'être femme d'un avocat d'affaire retraité collectionnant des services à thé en porcelaines de Meissen, on attribuerait volontiers qu'un enthousiasme ulcéré pour la bière et la panto-manie germanique à qui souhaiterait s'y établir. En un mot, elle serait vieux jeu. De prime abord.
On se fourvoie.
C'est une ville aux charmes cachés. Au détours d'un feu, un évènement réagissant à une logique loufoque et décalée, une surréalité conceptuelle apparaît, en peu comme dans les livres "à la Vian".
Voici donc quelques trouvailles, qui font de Munich un authentique "électrolore" (m'étant impossible de recréer une ambiance par le simple jeu de l'écriture, je laisse la musique s'en charger):
_ ses cinéma-théâtres: on entre, un théâtre, on s'assoit, un théâtre, le rideau s'ouvre, un écran. Le film se met en scène, lui-même. Comme redouter à chaque instant qu'un de ses personnages n'en sorte, guidé par vos émois, une Rose pourpre du Caire... Tivoli-Theater, Teatiner-Film, Filmcasino, Theaterfilm Sendliger Tor ...Werkstattkino, sans doute le plus conceptuel: Im Keller, avec sa boîte à caisse, ses cinq fauteuils tout droit sortis de chez Eddie's Shoe Repair du Grand Central terminal, son rideau rouge sang et son écran guimauve (ici même a été projeté un film d'une abjection magnifiquement mis en scène)
_ ses cafétchen poufins. De ces petites tables 20cm de haut le long des trottoirs avec poufs, coussins, couettes en diverses poils et fourrures. Et on s'y assoie comme chez soi pour fumer le calumet de la paix avec un pote à la chevelure hirsute. Le concept du banc. On observe, on regarde, on rend-conte. Nothing personal... Les plus connus: Schall und Rauch, Celomena, Maxim's
_ ses activités sous toits: Ludwig Beck et son greniers jazzy-classico-rock, la Glodenspiel au décolleté plongeant sur la Frauenkirchen...en apesenteur, wie der Himmel über München
_ ses stations U-S-Bahn: Rosenheimer Platz jaune, Isator verte, Marienplatz Orange....Et si elles souffraient de synesthésie, elles aussi? Mais surtout, leurs voies pré-enregistrées, allant de l'extase d'une intonation poussée sur un i "Mariiiiiienplatz", à la sublimissime mélodie d'un "Bitte zurück bleiben"...
_ son Cord Club et son petit salon rétro, ses projections d'Olive et Tom sur des Uchiwas géantes, sa tonnelle "bubblies after midnight" et son incontournable Mr. AM to PM qui, sous ses aires de Monsieur Hulot en vacances, fait bouger nos corps n'importe comment sur Frittenbude ou Ergotonic
_ son marchand de glace italien Ballabeni, et ses sorbets tutti fruti rose-poire-rhubarbe-maracuja-ananas-orange-campari. Et un Chocolat bitter qu'on vient prendre jusque tard dans la nuit...
_ ses Victoria-Houses: cachées, ça et là, aux intérieurs si britisch, à l'odeur si à-cinq-heure-l'heure-du-thé-chez-grand-mère, ses scones chaperon-rouge et ses thés à l'entropie refoulée (Treibhauseffekt).
_ son oper, ma deuxième maison, sa chic façon de me donner des places premier rang pour deux sous, de me faire courir pour attraper mon train, toutes ses représentations autant éblouissantes qu'indiciblement abstraites et ses hôtesses d'une amabilité dont elles seules portent le secret.
Comme la rencontre fortuite avec un sac "l'écume des pages" ou l'amalgame hétéroclite de Löwenzahnen, sponsored by destinity...
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