mercredi 15 septembre 2010

l'homme, "c'est du temps à deux pattes"

Le voyage de Chihiri. Poème en prose, épopée foisonnante, conte philosophique, véritable traversée du miroir onirique et romantique signée par Hayao Miyazaki. Mais comment expliquer le pourquoi du comment du merveilleux réalisme qui s'en dégage? A l'aide d'un Banh Bao bien sûr! Vous savez cette délicieuse brioche vapeur au porc. A ce jour, je n'ai de cette brioche qu'une unique expérience gustative. Mais cela a suffit pour me replonger dans l'univers de Chihiro. Notamment dans un passage qui se révèle être d'une extrême intensité psychologique.


C'est le moment où, consciente de la perte de ses parents et de l'inquiétante étrangeté du monde dans lequel elle se trouve, Chihiro se met à pleurer, désespérée près de Haku. Celui-ci, d'une conscience presque trop salutaire pour son chagrin, lui propose avec fermeté une brioche ovoïdale d'une blancheur immaculée.
Chihiro accepte et commence doucement à la manger. Puis ses bouchées s'agrandissent, si bien qu'on pourrait croire qu'elle essaie d'avaler un énorme coussin en une fois. A ce moment là, de grosses larmes perlent de ses yeux et roulent immanquablement le long de ses joues bombées.

C'est ce moment précis, de la brioche qui engendre les larmes. De la consistance de cette dernière. De l'onctuosité qui s'en émane. Aussi moelleuse qu'un canapé Togo, hymne à la paresse, dans lequel on s'affalerait volontiers en rentrant du boulot. Rien que de la regarder manger, on sent un réconfort physique qui se propage dans tout le corps. Justement, ce réconfort engendré par l'aspect visuel de cette brioche ne serait-elle pas le reflet du réconfort psychique que son ingurgitation procure sur Chihiro? Et on touche ici le point clé du travail de Myazaki.

Miyazaki a effectivement la caractéristique d'avoir un dessin organique, où la texture des choses est visuellement palpable (souvenez vous du chabus dans Mon Voisin Totoro!). Une sorte de viscosité dans le dessin. Comme si un agent texturant y avait été incorporé. Au même titre que le jeux des tiges de bambous sur le dos des bàn-bàn dans les campagnes chinoises, tout l'équilibre de ces films en dépend. Un véritable plaisir stéréoscopique comme dirait Ernst Jönger.
"Je goûtais à ce spectacle d'un des plaisir les plus rares qui soient, celui qui met en jeu des sensations que je nommerais stéréoscopiques. Le ravissement éveillé par une telle couleur repose sur une perception qui embrasse bien d'avantage que la pure couleur. Il s'y joignait dans ce cas particulier quelque chose qu'on pourrait appeler la valeur tactile de la couleur, une sensation d'ordre épidermique évoquant agréablement la pensée d'un contact."

La magie de Myazaki. Surtout pour ceux, comme moi, dont la prévalence d'un objet sur un autre (alimentaire ou pas) se situe dans ses attributs de texture bien avant ceux de goût ou de couleur.

Et Haku dont je ne peux à chaque fois m'empêcher d'être amoureuse (lui aussi, il est plus que "touchant").

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